Delphine de Fosseux
(5 mars 1959-23 avril 1969)
Une étincelle de vie divine pour notre monde
Voici un peu plus de 50 ans, en fin de journée du 23 avril 1969, la jeune et gracieuse Delphine de Fosseux, à peine âgée de 10 ans était appelée à rejoindre son créateur.
Si pour le Seigneur : « un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour, » nous allons voir, avec Delphine, comment, par l’action de la grâce divine, une vie peut être pleinement accomplie en 10 ans.
Pour qualifier cette courte vie, prenons l’image d’une comète qui pénètre l’atmosphère sans bruit (ses 7 premières années), puis rapidement se consume (ses 3 années d’évolution de maladie et de souffrance) en déployant une lumière resplendissante (une progression de communion avec Jésus qui rejaillit sur ses proches et porte le monde) dont le scintillement dure encore par les grâces transmises et l’exemplarité de sa vie.
Le narrateur, encouragé par le père Olivier Teilhard de Chardin, souhaite partager son action de grâce pour la providence qui lui a permis de découvrir Delphine par une rencontre fortuite avec Isabelle, sa maman, et de vivre depuis ce moment dans une grande intimité et amitié spirituelle avec Delphine.
Il semblerait que le Seigneur ait choisi cette petite fille débordante de vitalité, née au sein d’une famille nombreuse, de parents attachés à transmettre leur amour et leur foi en Dieu, afin d’être un exemple dans notre monde qui perd le sens du mot amour, qui prône la réussite matérielle et individuelle et la recherche du plaisir des sens.
En un mot, à travers l’exemple de cette courte vie, le ciel voudrait rappeler à notre monde « le sens de la vie » selon le regard de notre créateur.
Delphine nous témoigne l’importance de la pureté, de la confiance en ses parents et en Dieu, et l’importance de l’éducation des enfants dans une profonde ambiance chrétienne.
Ignace de Loyola nous dit : « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu. »
Delphine a vécu cela de la façon la plus naturelle, sans chercher à atteindre par elle-même un sommet, mais totalement disponible à la grâce. Le Seigneur s’est choisi Delphine en désirant l’unir, si jeune, aux souffrances de Sa passion par ses 3 années de maladie.
En Delphine la phrase de Ste Thérèse écrite à sa sœur Céline trouve une nouvelle fois toute sa justesse : « Oui, Jésus a ses préférences, il y a dans son jardin des fruits que le soleil de son amour fait mûrir presque en un clin d’œil. »
Toute livrée à l’Esprit Saint, Delphine a merveilleusement compris la possibilité et la richesse de l’offrande de ses souffrances, d’abord par amour pour son entourage, puis enfin et d’elle-même, Delphine a offert ses souffrances et sa mort pour les prêtres.
Quel cadeau pour notre époque fait par cette enfant si pure aux « choisis de Dieu » pour qu’ils répondent et soient fidèles à leur vocation.
Nous allons découvrir la vie de Delphine à travers le témoignage d’Isabelle, sa mère à qui le révérend père de Soucy a exigé qu’elle en écrive le récit, aussitôt après sa mort.
Nous avons été frappé, en lisant ce récit (Que Mon Fiat devienne Magnificat) (Pierre Tequi éditeur 12/1971, reédité en février 2021) et par les témoignages de quelques proches, que Delphine n’a jamais été considérée un être d’exception, « une saintoune » comme disait Bernadette de Lourdes !
Le récit d’Isabelle retrace bien plus, et de façon remarquable, les grâces reçues pour vivre les évènements douloureux et déchirants que pour faire le panégyrique de Delphine.
Le témoignage de Béryl sa jeune sœur la plus proche est aussi caractéristique, puisqu’il ne rappelle que les souvenirs d’amitié et de jeux de sa grande sœur.
Toutes les grâces et les mérites ont été vécus comme « naturelles » ainsi que les grâces manifestées après sa mort, tant et si bien qu’il faut en grande partie se fier aux témoignages de sa mère qui n’a pas cru bon, à l’époque des évènements, de faire consigner par les bénéficiaires ce que nous évoquerons plus loin.
Ce cadeau du ciel fait pour notre temps est resté humble et caché, mais ne serait-il pas temps de le mettre au grand jour pour le bien de l’Eglise, en pensant tout spécialement aux prêtres que Delphine a voulu porter avec Jésus sur Sa croix ?
Notre petite « comète » pénètre l’atmosphère terrestre le 5 mars 1959, 3ème des 6 enfants d’Isabelle et Gérard de Fosseux : parents marqués tous deux par une profonde tradition chrétienne qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants.
Tout de suite elle fut mise sous la protection de Marie et Joseph qui sont ses 2 autres prénoms.
Delphine grandit donc dans cette famille nombreuse et développe un caractère intrépide. La si gracieuse petite fille blonde ne craint pas de salir et déchirer ses jolies robes en grimpant aux arbres avec ses frères, et adore dévaler les pentes neigeuses de la montagne, à vive allure en ski, mais sait aussi jouer joyeusement avec ses petites sœurs.
A 7 ans, Delphine vit intensément sa première communion, préparée par les sœurs Bénédictines de Limon : premiers pas dans une relation intime avec Jésus. Elle est accompagnée par la prière de sa maman, poussée par l’Esprit Saint à offrir sa fille à Jésus, qui n’imaginait pas alors, sur quel chemin cette offrande allait les conduire.
En effet peu de temps après cette première communion, le mal se déclarait et dès la fin de l’été 1966 allaient commencer les 3 années d’évolution du cancer avec son parcours de désespoir, d’espoirs et de souffrances.
En même temps, Delphine, docile aux évènements, et par un accueil exemplaire aux grâces divine, allait vivre un chemin de courage et de maturation spirituelle intense.
Elle est entourée par ses parents désemparés, mais dociles à la providence dans une profonde confiance en la prière à Marie
Ils devaient assumer les autres membres de la famille, tout en vivant douloureusement l’évolution inéluctable de la maladie de Delphine, malgré tous les efforts de la médecine.
Il faut souligner la foi d’Isabelle en Marie, priant intensément pour une guérison miraculeuse qui s’est ensuite transformée petit à petit en l’offrande de la vie de Delphine. Isabelle témoigne des marques d’attention et de présence de Marie auprès de Delphine jusqu’au dernier jour.
Delphine vit chaque instant dans une confiance absolue à sa maman qui l’accompagne : « le sourire de sa maman suffit à lui supprimer toute inquiétude », mais quel chemin de croix et quels efforts d’abandon pour Isabelle déchirée de douleur.
Une première manifestation du changement intérieur de Delphine survient à l’occasion d’un pèlerinage à Lourdes pendant lequel Isabelle demande à sa fille d’apprendre à dire « Oui » à Jésus.
Ce fut d’un effet que l’on peut comparer à la demande de madame de Guigné à sa fille Anne de 5 ans, qui l’invite à devenir « bonne » pour l’aider à porter la souffrance de la mort de son époux à la guerre.
Si la vénérable Anne de Guigné a fait preuve dès ce moment d’une détermination héroïque pour une enfant de cet âge, afin de devenir « bonne » et montrer ainsi combien elle aime sa maman et qu’elle peut désormais faire l’offrande de la maîtrise de son caractère impulsif. Nous pouvons également constater que Delphine a « petit à petit appris à dire Oui, ce Oui qu’il faut savoir dire dans les petites choses si on veut pouvoir le dire, comme elle sut le dire, pour une acceptation totale de la volonté divine. »
Puis, sentant que l’issue pouvait devenir fatale, Isabelle sollicite que Delphine puisse recevoir le sacrement de confirmation, afin de « se présenter en chrétien adulte au paradis. »
Nouveau moment de spiritualité intense sous la conduite des bénédictines de Limon qui font découvrir à Delphine la « petite voie » de Ste Thérèse de Lisieux.
Relisons un extrait de la lettre de Mère Agnès, bénédictine à l’issue de sa confirmation : « Le Saint Esprit est venu vous demander déjà des choses difficiles. Il est venu : vous n’avez vu ni feu, ni entendu de tempête, mais Il est venu avec toute Sa force, une force qui est dans votre âme, qui ne se voit pas, mais qui est sûrement là, pour vous aider à suivre Jésus portant Sa croix, notre marque, avec beaucoup de courage. C’est difficile ce qu’Il vous demande, mais le Bon Dieu qui vous aime beaucoup compte sur vous ! »
Comme Mère Agnès avait bien pénétré l’âme de Delphine pour oser ces paroles à une enfant d’à peine 8 ans.
Mais notre chère Bénédictine n’en reste pas là puisqu’elle lui adresse ces mots à l’occasion de la semaine Sainte suivante pendant laquelle Delphine doit suivre un traitement très éprouvant : « Pensez comme le Bon Dieu vous aime, Il vous demande d’être mal à l’aise et fatiguée pendant ces jours ou tous les chrétiens s’unissent par leurs sacrifices aux souffrances de la Passion et de la mort de Jésus. C’est pourquoi je vous envoie aussi une image de Jésus portant Sa croix. Vous n’êtes pas toute seule, vous êtes avec Jésus, et dans votre cœur, il y a la force et l’amour de l’Esprit Saint de votre confirmation. »
Quelle audace pour attirer cette enfant de 9 ans sur le chemin de l’offrande dans lequel Delphine entre avec toute son humanité de souffrance et une grande confiance.
Oui Delphine accepte les évolutions de son état de santé et fait preuve d’une sagesse exemplaire : « il ne faut jamais se préoccuper du lendemain » et déjà un sens de la proximité du ciel et de la force du lien d’amour lorsqu’elle se confie à Marie et qu’elle désire la présence de sa maman à ses côtés : « Je peux pleurer tout bas, car c’est avec le cœur que maman m’entendra. »
Et quelle remarque : « C’est beaucoup mieux quand c’est une religieuse (qui vient pratiquer une piqure particulièrement douloureuse) parce qu’elle porte la croix de Jésus sur sa robe, alors cela nous fait penser à Lui offrir notre mal. »
Puis en même temps quelle maturité dans l’altruisme lorsque Delphine exprime « J’ai souvent mal à mon bras, mais je ne veux pas le dire à maman parce qu’elle attend un bébé. »
En même temps elle rayonne autours d’elle dans ses chambres d’hôpital et communique sa foi.
Puis aidée de sa maman, Delphine découvre la communion des saints en offrant ses souffrances pour une petite Claire atteinte d’une leucémie. Partie au ciel 6 mois avant Delphine, elle comprit que Claire désormais priait pour elle.
Découvrant que l’infirmière du 2ème pèlerinage de Lourdes qui l’accompagnait ne s’était pas confessée depuis 2 mois, elle lui dit : « Tu sais, je n’aime pas aller me plonger dans la piscine, mais je vais y retourner cet après-midi, et toi pendant ce temps-là tu iras te confesser ! » Touchée à vif et au cœur, l’infirmière s’exécuta.
Enfin lorsque le mal poursuit son œuvre, et que l’issue fatale devient inéluctable, Delphine pleinement consciente exprime le désir d’être enterrée dans le caveau familial et affirme que son 10ème anniversaire sera le dernier.
D’elle-même elle exprime sa décision d’offrir ses souffrances et sa mort pour les prêtres.
« Chaque fois que cela me fait plus mal, je pense l’offrir pour les prêtres », et au moment d’entrer dans l’ascenseur pour la salle d’opération Delphine dit à sa maman : « aujourd’hui j’offre tout pour les prêtres ».
En découvrant le trou laissé dans son bras par une grosse aiguille, Delphine s’exclame : « C’est quand même moins gros que les trous fait par les clous de Jésus, je ne peux pas me plaindre. »
Ne retrouvons-nous pas chez Delphine ce que Ste Thérèse exprimait : « Quand je suis incapable de prier, c’est alors le moment de chercher de petites occasions, des riens qui font plaisir, plus de plaisir à Jésus que l’empire du monde ou même que le martyre souffert généreusement : par exemple, un sourire, une parole aimable alors que j’aurais envie de ne rien dire ou d’avoir l’air ennuyée. »
A l’incompréhension du personnel médical, Delphine est soulagée des intolérables souffrances des derniers jours grâce de la vierge Marie, grâces obtenues à la suite de l’application discrète d’un linge imbibé d’eau de Lourde.
Elle est aussi soulagée de la soif (alors qu’elle ne pouvait plus déglutir) par « Regardez la Dame qui me porte à boire » (son père Gérard fut témoin de la scène invisible pour lui, mais il vit et entendit Delphine déglutir avec le mouvement des lèvres qui reçoit un verre). Quelques instants plus tard, heureuse de retrouver sa mère qui s’était absentée, elle lui dit « Ah, vous ! elle s’envola enfin avec la Dame qui était venue la chercher et qu’elle ne voulait pas faire attendre. »
Nous venons donc de voir comment notre petite « comète » docile aux grâces divines, a commencé à scintiller pendant ces 3 années, mais après sa mort les lumières de la queue de la « comète » devinrent réelles tout en restant discrètes.
- Beauté et sérénité du visage de Delphine sur son lit de mort : « Elle semblait dormir d’une paix rayonnante. »
- Parfums célestes de roses perçus par plusieurs personnes dans la chambre mortuaire et au moment des obsèques.
- Légions d’oiseaux s’égosillant dans un ciel radieux le jour des obsèques, accompagnant le convoi de la maison à l’église.
- Grâces témoignées attribuées à Delphine :
° Lorsque sa petite sœur Yolaine, quelques mois après la mort de Delphine, traverse par accident une porte vitrée sans aucun dommage (sa maman a perçu l’espace d’un instant, Delphine soutenant sa petite sœur pour amortir le choc.)
° A peine un an après, fracture (médicalement constatée) spontanée de l’humérus de son petit frère Evrard subitement disparue après que sa maman ait demandé l’aide de Delphine.
° amélioration significative et définitive de la vue d’un prêtre à l’issue d’une neuvaine à Delphine (faite à l’insu de ce prêtre).
° vocation d’un prêtre tenté par l’abandon et le mariage, confirmée à l’issue d’une neuvaine à Delphine.
Et si les mérites de Delphine étaient reconnus par l’Eglise, ne pourrait-elle pas être :
- Un vrai soutien pour les prêtres qui en ont tant besoin,
- Retrouver le vrai sens de la vie pour notre époque qui en a tant besoin,
- Un exemple d’éducation chrétienne pour les familles,
- Un soutien pour les enfants malades ….
En citant Marthe Robin : « l’exactitude dans les petites choses ! »
Nous comprenons qu’avec son regard d’enfant, Delphine nous témoigne tout simplement, que la sainteté se trouve dans l’exercice du quotidien vécu en union intime avec Jésus, quotidien qui n’est jamais exempt de croix !
Fait à Paris, paroisse N.D. d’Auteuil, le 5 septembre 2019
Yves Cornudet